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SAMAYA x AURÉLIA LANOÉ

SKIS SUR DES SOMMETS VIERGES AU CŒUR DU NÉPAL

 

 
En octobre 2023, Aurélia Lanoé et cinq autres compagnons de cordée se sont rendus au cœur de l’Himalaya, à la frontière du Népal et du Tibet, pour explorer et descendre des sommets vierges à skis. Plongés dans un écosystème immaculé et sauvage, nos six guides aux personnalités différentes y ont trouvé une harmonie. Aurélia nous raconte en détail leur exploration, auréolée d’esprit d’équipe et d’engagement.
 
« C’est le genre d’expédition où, vraiment, tout a roulé.
 
La météo et les conditions étaient parfaites : la neige était vraiment agréable à skier, plutôt dure et « grippante », parfaite dans le raide, sans sluff et sans risque d'avalanche. Le terrain était très stable, pas trop venté, donc la neige n’était pas gelée.
 
On a eu une chance inouïe par rapport aux deux dernières années qui ont connu de grosses chutes de neige tardives, ce que l’on appelle des queues de moussons qui donnaient de grosses quantités de neige en peu de temps et augmentaient considérablement les risques d'avalanche.
 
Nous avions pour objectif le Ratna Chuli dont l’altitude exacte est indéfinie. Les estimations se portent entre 7040 et 7135 mètres. C'est une zone protégée à la frontière du Tibet, peu connue et peu visitée, située dans la vallée de Nar Phu, derrière les Annapurna. Nous souhaitions explorer une région du Népal qui n’avait pas vu beaucoup de visiteurs et encore moins de skieurs et être les premiers à poser nos spatules sur des sommets vierges, tout en expérimentant le ski en haute altitude.
 
Notre expédition était de type exploratoire et se voulait remplie d’aventures pour lesquelles nous aspirions à une prise de risque limitée. Nous sommes tous les six guides de haute montagne et bénéficions d’un savoir-faire, de compétences et de connaissances du milieu montagnard nous permettant d'être à l'aise dans des milieux même inconnus.
 
De plus, l’entente entre nous six s’est révélée parfaite. Firmin Fontaine, Bastien Lévy, Damien Coelho Mandes et moi-même formions la première team de l'expédition et Maud Vanpoulle et Victor Colombie formaient la deuxième. Nous partions relativement au même endroit au même moment et avons décidé d'unir nos forces et de partager les frais d’expédition et le permis jusqu’au camp de base. Nous nous sommes rapidement très bien entendus et avons finalement réalisé toute l'expédition ensemble.

 

 
Après avoir passé deux jours à Katmandou pour régler les dernières formalités administratives et logistiques, nous sommes partis en bus pour Besisahar où nous avons passé la nuit. Nous avons ensuite pris une Jeep jusqu’au village de Koto, sur une route complètement défoncée, où nos têtes touchaient le plafond de la voiture lorsque les secousses étaient trop violentes. Nous qui pensions pouvoir faire nos mails et passer des appels durant le trajet étions servis ! Nous ne pouvions rien faire d'autre que de nous agripper. C’était assez éreintant, mais le paysage qui défilait sous nos yeux valait bien quelques cognements de tête. A Koto, nous avons quitté la route principale pour nous enfoncer dans une vallée étroite où seul un chemin permettait l’accès aux villages situés plus haut dans la vallée. Nous avons marché durant deux jours jusqu’au magnifique village de Phu. Perché sur un promontoire rocheux, ce village est le dernier signe de civilisation, avec des maisons qui se confondent avec la roche alentour et des drapeaux tibétains contrastant avec le paysage lunaire.
 
Nous avons passé une journée de repos là-bas, où nous avons un peu crapahuté dans les alentours afin de commencer l’acclimatation et le lendemain, une dernière journée de marche nous a permis de rejoindre notre camp de base situé à 4700 mètres d'altitude.

 

  
La phase d'acclimatation a été plutôt bonne pour l'ensemble de l'équipe, hormis pour Bastien qui a fait un petit MAM (mal des montagnes). Nous sommes peut-être montés un peu trop vite à 5600 mètres où nous avons posé notre camp de base avancé, sans tout à fait respecter les règles d’acclimatation. Avec Firmin, nous l’avons raccompagné au dernier village où il a passé deux nuits avant de nous rejoindre.
 
Nous en avons profité pour faire le Upche, un sommet vierge à 6150 mètres, tout en poudre. Nous nous sommes reposés 2 jours au camp de base, puis sommes remontés au camp à 5600 mètres avec tout le matériel pour monter un camp à 6000 mètres. Nous y avons installé la Samaya3.0 dans une moraine. Elle était très spacieuse, avec un rapport poids / surface vraiment cool. C’était la tente « luxe », que l’on avait mis sur un petit promontoire préalablement aménagé avec des cailloux plats et dans laquelle tout le monde voulait dormir. On a été obligé d’organiser une rotation pour dormir dans cette tente.

 

  
De ce camp à 6000 mètres, nous sommes partis pour l’icefall, une pente assez raide de 600 mètres de dénivelé, avec des parties à passer obligatoirement en crampons, sinuant sous des séracs et entre des crevasses géantes. Une partie assez accidentée, en somme, que l’on a tracé en une journée et qui nous a permis de nous acclimater, passant de 6000 à 6600 mètres.
 
Nous sommes revenus dormir au camp à 6000 mètres et le lendemain, nous sommes allés faire un sommet à 6687 mètres, le Hulang Go, lui aussi encore vierge. La descente à skis était magnifique, très esthétique, avec une vue incroyable sur le Tibet. Ces quatre journées d’acclimatation nous avaient bien entamé et nous sommes redescendus à notre camp de base pour nous reposer pendant 3 jours et reprendre des forces avant de réaliser l’assaut final.
 
Nous avons passé une première nuit à 5600 mètres, puis nous sommes montés à 6000 mètres. De ce camp, nous sommes partis à 2 heures du matin pour gravir l'icefall de nuit. Nous sommes arrivés au sommet de cette partie avec le jour qui se levait, vers 6h30. Les lumières dorées de la levée du jour enflammaient le ciel et se découpaient sur le blanc immaculé du glacier. C’était magnifique. Du sommet de l'icefall, nous devions redescendre par une zone technique de 250 mètres, raide et crevassée, menant à une traversée plate sur un col suspendu magnifique. Il nous restait ensuite 600 mètres de dénivelé jusqu'au sommet du Ratna Chulli, une partie plus raide, en crampons, avec les skis sur le dos.

 

  
Nous avons tous atteint le sommet en même temps. C'était un moment très fort. Se retrouver ensemble au sommet de cette montagne qui dominait tout : d’un côté les hauts plateaux arides tibétains et de l’autre les immenses glaciers népalais. Réussir cet objectif qu’on s’était fixé, tous ensemble, avait une saveur très particulière : celle de l’esprit d’équipe, de l’esprit de cordée.
  
La descente était hyper agréable, juste un peu engagée comme il faut. Il fallait rester concentré et ne pas tomber, surtout au début où la neige était très dure avec des passages à 50 degrés. C’était hyper beau de skier dans un environnement incroyable avec les Annapurna et le Dhaulagiri en fond de tableau.
  
La mission n'était pas finie, puisque de ces premiers 600 mètres, il fallait à nouveau remonter les 250 mètres pour rejoindre le sommet de l’icefall et à nouveau redescendre jusqu’à notre camp à 6000 mètres. C’était une bonne bambée comme on les aime !
  
Arrivés à 6000 mètres, nous avons démonté notre camp et sommes redescendus à celui de 5600 mètres. D’ici, nous avons à nouveau tout remballé et avons rejoint notre premier camp, chargés comme des mules, à 20 heures dans la nuit noire.
  
Notre équipe logistique composée de trois népalais nous attendait au camp de base et nous avait préparé un repas de roi. Malheureusement, nous avons peu mangé parce que nous étions fracassés. En revanche, le lendemain, nous avons fait un festin et fêté avec eux notre ascension comme il se doit, avec de la bière et du rhum ! C'était bien marrant.

 

  
C’était une expédition pleine de succès dans une ambiance vraiment chouette. La communion qu’il y a eu entre nous, l'entente parfaite, l’énergie créée étaient vraiment hyper agréable. Nous sommes tous différents et nous nous sommes complétés à la perfection. Je n’étais jamais partie à autant en expédition et ça me faisait un peu peur, mais finalement, pour une expédition de ce style, qui ne va pas chercher des pentes trop raides et exposées, mais plutôt des sommets vierges, c’était hyper chouette et très riche humainement d’être à six.
 
Je me sens assez contente, avec une forme de fierté pour ce que l’on a accompli. Nous n’étions pas allés chercher un Piolet d'Or, mais nous avons réalisé de belles premières sans se faire peur, nous avons créé des liens solides et surtout, nous avons découvert des coins de la planète incroyables.
 
En rentrant, on redécouvre le confort de notre société : l'eau chaude qui coule du robinet, l'électricité qui fonctionne très bien, les routes goudronnées. On ne se rend plus compte que ces petites choses de notre vie quotidienne auxquelles nous sommes habitués sont si précieuses et ne font pas partie du quotidien de tout le monde sur cette planète. On est vraiment chanceux. »

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