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SAMAYA x PIERRE HOURTICQ

SKI DE PENTES RAIDES EN PATAGONIE

 

 
Pierre Hourticq et Julián Cazanova, guides et skieurs chevronnés, accompagnés de Camille Armand, snowboarder professionnel, et Yannick Boissenot, vidéaste et réalisateur, ont passé le mois de septembre 2023 à parcourir la Patagonie dans toute sa longueur, à la recherche des meilleures faces de pentes raides. Pour Samaya, ils reviennent sur leur aventure.
 
Pierre Hourticq : Nous sommes partis tout le mois de septembre jusqu’à début octobre en Patagonie, en passant une partie de notre temps chez Julián. Nous sommes tous les deux guides de la Compagnie des guides de Chamonix et lui est originaire de là-bas. On skie ensemble depuis longtemps et cette idée de mission ski de pentes raides dans ce coin-là nous taraudait depuis un bon bout de temps.
 
Cette année, on a enfin réussi à concrétiser ce projet et à monter l'expédition.

Nous étions 3 à skier, Julián et moi, accompagnés de Camille Armand, snowboarder du Freeride World Tour. Yannick Boissenot nous a suivis tout au long de l’expédition pour capturer toutes nos images et réaliser un film. Nous étions une toute petite équipe, ce qui nous permettait d’être super mobiles.
 
Nous sommes d’abord arrivés à Buenos Aires, que nous avons immédiatement quitté pour nous rendre dans le village d'enfance de Julián, tout au Nord de l’Argentine. De San Martín de los Andes, nous avons entamé un long road trip de 2000 kilomètres à bord d’un 4x4, traversant des kilomètres et des kilomètres de bitume, sur ces longues routes monotones, jusqu’à atteindre El Chaltén.

Tout au long du trajet, nous nous étions fixés des arrêts, des objectifs dans des zones reculées, entre le Chili et l'Argentine, pour faire du ski. Nous avons réalisé des étapes dans des endroits vierges et restés très sauvages. Certaines zones n’avaient presque jamais été gagnées par la civilisation, ou du moins pas à ski.
 
 
Julián Cazanova : Nous avons dû faire face à des péripéties, tout ne s’est pas toujours déroulé comme nous le souhaitions. Les conditions météos étaient clémentes, mais les quantités de neige étaient impressionnantes ! Habituellement, à cette période de l’année, nous n’en trouvons pas autant. C’était plutôt extraordinaire. La première sortie que l’on a effectuée nous a accueillis avec beaucoup de neige. Sûrement un peu trop !
 
A mi-chemin de notre roadtrip vers El Chaltén, nous nous sommes rendus sur une montagne très éloignée, un peu perdue au milieu de nulle part. C’était un endroit que j’avais repéré depuis longtemps. En arrivant, nous avons tout de suite réalisé qu’il y avait énormément de neige. Ça nous a beaucoup freiné. C’était au tout début du voyage, on avait déjà mis deux jours à arriver en 4x4, on a ensuite dû prendre un bateau, puis effectuer une journée de marche : nous étions très isolés. Là-bas, si tu as un souci, il n’y a pas d’hélicoptère pour venir te chercher.
 
Pierre Hourticq : Après ce début difficile, nous avons laissé le manteau neigeux se stabiliser et la chance a tourné. Nous n’avons ensuite connu plus que de superbes expériences. Je pense notamment à une descente extraordinaire, dans un coin repéré par Julián, vers El Chaltén. Depuis 2003, Julián passe du temps dans cet endroit qu’il connaît par cœur et au cœur duquel il pratique l’alpinisme, bien que la zone soit seulement documentée par quelques topos de grimpe. Il s’était toujours imaginé y skier.
 
 
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Julián Cazanova : L’accès était très long. Nous devions parcourir 30 kilomètres de marche, à plat, pour seulement atteindre le pied de l’Aiguille Dumbo. Nous marchions sans trop savoir ce qu’il se passerait ensuite. Nous étions chargés de doutes. Il s’agissait d’une face ouest, exposée au vent. Nous progressions sans même voir la montagne, et ce jusqu’à la toute fin ! Nous avons finalement attaqué l’ascension et notre excitation montait en parallèle : nous savions que ça allait être magnifique à descendre. Nous arrivons enfin au sommet, rempli de champignons. On ne s’imagine pas poser les spatules ici ! Nous avons pourtant chaussé les skis et attaqué la descente, nous laissant des images et des frissons inoubliables.
 
Nous avons poursuivi notre route, heureux de réaliser qu’une fenêtre météo assez importante s’ouvrait. C’était plutôt anormal, d’ailleurs. Cette fenêtre nous a permis de réaliser 10 descentes sur la totalité du voyage, dont 4 sorties à El Chaltén et plusieurs ouvertures de belles lignes.
 
Pierre Hourticq : A El Chaltén, notre organisation était toujours plus ou moins la même : pour une sortie, nous partions au moins 2 jours, le temps de réaliser l’approche, de bivouaquer dans les bois enneigés, d’atteindre notre départ de mission et de revenir. Afin de maximiser nos chances de réussir quelque chose, nous combinions nos objectifs, nous essayions de toujours trouver 2 options réalisables. C’est comme ça quand tu pars en Patagonie, il faut être très ouvert et avoir plusieurs plans, parce que si tu focalises ton attention sur un objectif unique, qui se retrouve infaisable en raison du mauvais temps, tu te retrouves à n’avoir rien fait.
 
Nous avons eu énormément de chance quant aux conditions de neige. Habituellement, la neige n’est pas d’excellente qualité, fréquemment soufflée et dure. Cette année, nous avons trouvé beaucoup de poudreuse.

 

 
Julián Cazanova : Quand la fenêtre météo s’est refermée, nous nous sommes questionnés sur le fait de rester à El Chaltén pour attendre le prochain créneau. Finalement, nous sommes remontés vers le Nord, pour explorer ma région côté chilien et skier ces belles montagnes et volcans.
 
Le printemps gagnait peu à peu, les conditions de neige transformaient progressivement mais le terrain restait safe, ce qui était l’essentiel pour nous.
 
Pierre Hourticq : Nous avons skié sur tous les types de terrains skiables en Patagonie : des zones plus accessibles et moins difficiles techniquement, des petits couloirs en station et des faces très alpines, techniques, comme on peut retrouver ici dans les Alpes. C’était chouette de pouvoir toucher un peu à tout dans un environnement nouveau.
 
Une dimension importante de notre voyage est celle de la rencontre des habitants et des amis de Julián. Nous avons partagé beaucoup de temps ensemble, notamment dans le Nord, où l’on a pu rencontrer des éleveurs de troupeaux dans les montagnes qui ne croisent jamais de touristes et qui étaient très surpris de notre venue et de notre idée d’aller skier sur les pentes de leurs belles montagnes.
 
Ce sont ces moments-là qui rendent cette expédition d’autant plus mémorable.

 

 

©Photographie réalisée par Yannick Boissenot

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